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2018

Dans 2018

Du coq à l'âne

Par Le 19/03/2020

Parfois quand les heures s'enlisent du côté des zones de congélation éternelle, que les aiguilles dégoulinent d'une sirupeuse lassitude, je me surprends à relire les mots semés au fil des ans. Traces d'un passage dans cet intervalle espace-temps. Depuis la nuit des temps les hommes laissent des traces de leur passage.
Ces mots ensemencés sont restés stériles, ils n'ont pas poussé, ne se sont pas surpassés, n'ont produit aucun fruit, aucune fleur. Au mieux ils m'ont permis de continuer à dérouler les feuilles du calendrier, éphéméride absurde pour aller d'un point A à un point B. Se lever le matin, se coucher le soir, un lieu commun, entre espoir, errance, désespérance.
On ne sème plus de mots. On ne s'aime plus. Un silence de tombeau dans les coeurs solitaires, le vide jusqu'au plus profond des os. Regard creux sur le monde qui bouge. Les mots ne coulent plus de source, elle est tarie, trahie. Qui a inventé les mots? Un sourcier sorcier ?
Association d'idées, un lac, une montagne en d'autres temps. Le passé est mort, enterré, une stèle pour devoir de mémoire mais les fleurs ne poussent plus au jardin du souvenir. Ils avaient entre 17 et 30 ans, l'épitaphe est violent "sauvagemment assassinés par les boches". Cela n'a rien à voir avec mon propos initial, juste une hyperconnexion de mes cellules gliales (dont j'ai appris récemment que l'on sous-estimait leur rôle ). Mais d'où vient l'expression passer du coq à l'âne?

Dans 2018

Alphonse

Par Le 18/03/2019

Alphonse a fait deux grands voyages dans sa vie.Le premier, contraint et forcé à l'époque où les loups avaient envahi Paris, destination Cherbourg. Il y pleuvait des bombes.
Cherbourg c'était l'épopée racontée à tous les repas de famille. Elle faisait sourire les plus jeunes, frisonner les anciens. Son frère Joseph l'avait accompagné dans cet abominable voyage. Il en sont revenus, à pied, traversant une France dévastée. Retour à la Pomme, dans le giron familial, où il aura travaillé laborieusement toute sa vie.
Une vie qui a repris ses droits après la guerre. Jeanine a fait son entrée dans cette famille de ritals au grand cœur. Des gens de peu, des braves gens pourrait-on dire, si ce n'était presque devenu une insulte. Une famille unie, soudée face à l'adversité. Des valeurs d'un autre temps où justement les gens savaient la valeur des choses. Travailler jusqu'à en avoir le dos cassé, la peau tannée, les mains caleuses. Il savait que tous les soirs il retrouverait un foyer chaleureux. Celui de Sylvia, la mamma, qui malgré le peu de moyen a toujours veillé à ce que ses enfants ne manquent de rien. Des vêtements propres, une assiette remplie et la joie d'être ensemble.
Jeanine a pris le relais. Solange puis David ont illuminé sa vie. Une vie rythmée par les saisons et le travail de la vigne. La chasse, les champignons, le jardin, les parties de cartes avec les amis et toujours les retrouvailles en famille autour d'une table en fête ou des omelettes à la Font de l'Orme.
Depuis Cherbourg, Alphonse n'était pas reparti. Dans les années 80 eut lieu le deuxième voyage: retour aux sources dans le village natal, Fossalta di Piave, avec toute la smala, cela va de soi.Convoi exceptionnel de Villegailhenc aux portes de Venise.
Ils avaient quitté l'Italie dans les années 30 pensant trouver la terre promise, mais ailleurs n'est pas mieux qu'ici. Ils ont su s'adapter, courbant le dos souvent, sans jamais renoncer. Leur union faisait leur force.
La vie a fait ce qu'elle avait à faire et à défaire.
Paul et Constance auront été ses derniers rayons de soleil. Les enfants, vous avez la chance d'avoir connu cet arrière grand-père courageux, cet homme aux valeurs simples et sincères, gardez les précieusement en héritage, les plus grandes richesses ne se transmettent pas chez le notaire. Vous avez connu l'homme qui est allé à Cherbourg.
Aujourd'hui, il part pour un plus long voyage, nous t'accompagnons Alphonse, tu n'es pas seul et les autres t'attendent là-haut, Sylvia, Angel et Nora. Je suis sûre que Joseph et Marcel ont déjà repéré une volée de perdreaux. Dis à Joseph qu'ici, malgré les tempêtes son figuier a tenu le coup. Vous avez su vous enraciner dans cette terre adoptive, pars en paix, nous prenons le relais.

Dans 2018

Telle est la question

Par Le 12/02/2019

Pourquoi écrire? Pourquoi peindre, dessiner? Pourquoi courir, pourquoi gravir des sommets?
Pourquoi boire son café tous les matins? Pourquoi aller acheter son pain?
Pourquoi des plans sur la comète, pourquoi les comètes? Pourquoi des fourmis et des mouches dans la maison, il y a tant d'espace dehors? L'herbe est plus verte ailleurs  quand le gris s'immisce dans les interstices.
Pourquoi des pavés dans la mare et des canards dans la chanson? Pourquoi des points d'interrogation?
Pourquoi se souvenir, pourquoi espérer? Pourquoi sourire, pourquoi pleurer? Pourquoi rester immobile, pourquoi bouger?
Pourquoi se taire, pourquoi crier? Pourquoi aujourd'hui, pourquoi demain?

Dans 2018

Vinaigrette

Par Le 12/06/2018

J'ai réparé mon vinaigrier, mis de l'huile sur mon clavier, j'ai salé mes propos, pimenté mes idéaux, la moutarde m'est montéee au nez mais la mayonnaise n'a pas pris. La source des mots est-elle tarie? Que nenni. Il suffit de dégourdir les doigts, exercer le poignet, décrasser le cervelet, le nettoyer de ses impuretés et retourner puiser les lettres à la source d'origine. Est-ce un sourcier sorcier qui a créé les mots? D'où viennent-ils?  Qui a parlé le premier?
Mr Cro-Magnon est parti à la chasse, Mme cueille des B, ils se retrouvent le soir autour d'un feu de joie, à supposer  que le feu ait été inventé, ils regardent la Lune en grognant. Une émotion les saisit, un frisson dans l'air du soir. Des loups hurlent dans le lointain, un troupeau de mammouths soulève la poussière. L'homme pointe son index vers le ciel, remue ses lèvres, un son informe sort de sa gorge, la femme l'imite. Ce n'est pas très beau à voir. Leur visage se déforment et les bruits de leur bouche n'en finissent pas de les surprendre. Ils essaient de répondre aux loups, ouh ouh puis au chat qui passait par là. Miaou, ouh, miaou, ouh, une cacophonie dans la nature immaculée. L'homme et la femme mus par leur trouvaille se mettent à danser autour du feu, ils rient, ils sont heureux mais ne le savent pas. Au bout de la nuit, éreintés, la femme s'allonge, lève son bras, pousse un soupir de contentement "moon". Le soir venu, lorsque la Lune apparaît à nouveau, l'homme reproduit le même son, les loups, le chat reprennent à l'unisson.
C'est ainsi que naquît le premier mot de la civilisation. c'était déjà de l'anglais et bien sûr c'est une femme qui l'a prononcé.

Dans 2018

Extralucide

Par Le 11/06/2018

De Kourou à Baïkonour

J'ai fait le tour
Plus rien à espèrer
De ce vieux rocher
Ne reste qu'à s'envoler
Flotter sans peur en apesanteur

J'ai la vision extralucide
De cette particule dans le vide

Un coup de pied dans le ballon
Séisme 10 sur l'échelle de Richter
Sans conséquence pour l'univers
Comme je le dis dans ma chanson
Ce vieux rocher
Ne tourne pas rond

J'ai la vision extralucide
De cette particule dans le vide

Départ de Cap Canavéral
A la recherche d'un idéal
Une combinaison sidérale
L'habit ne fait pas le curé ou le moine si vous voulez
Mais pour le trouver son idéal faut s'élever
Au-dessus des préjugés

J'ai la vision extralucide
De cette particule dans le vide

Le compte à rebours a commencé
Impossible de l'arrêter
Je scrute la nuit, étrange toile
Décollage imminent direction les étoiles
En bas le bleu profond de l'océan
Les souvenirs, la vie d'avant

J'ai la vision extralucide
De cette particule dans le vide

La galaxie en expansion
A éclaté, bulle de savon
J'avais bien calculé mon coup
Plus la moindre particule de caillou
J'ai eu la vision extralucide
Que tout ça finirait dans le vide

Dans 2018

Errance

Par Le 20/03/2018

Un chemin de mots égrénés sous le vent, chapelet de jours, de lumière et de nuits. Au loin l'espoir d'un rocher, d'un caillou, un cri  "terre" avant le naufrage, avant le désenchantement. Quête obstinée d'oxygène, croyance d'acier en un ailleurs dépourvu d'humanité.
L'air saturé assèche les gorges, il faut courir vers plus tard, haïr les ciels de pleine Lune et les soleils ardents. Courir, se terrer et se taire. Traîner ses pieds dans la poussière, tomber, se relever, ramper, bouffer du sable, avaler des couleuvres, les digérer, recommencer. Les oasis s'effacent et la peau se craquèle. Fissures. Préférer la nuit noire emplie de fantômes, de démons du passé. Aujourd'hui n'est plus qu'un pâle instinct de survie. Derrière soi, des certitudes, devant, des possibles. Entre les deux, des déserts peuplés de doutes, une mer houleuse, des regards hostiles. La douleur se manifeste à chaque pas, chaque inspiration. Il n'y a plus de caillou dans la chaussure, il n'y a plus de chaussures. Il n'y a plus que le bruit intérieur de la souffrance. Il n'y a finalement plus que le silence.

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