Articles de barbaraburgos
Post-scriptum
J'ai enfin compris pourquoi il faut imaginer Sisyphe heureux et remarqué que la lune se levait à l'est et se couchait à l'ouest. Ca fait beaucoup pour une seule journée. Et ce matin j'ai eu envie d'une tartine de pain beurrée avec du cacao en poudre dessus.
Sur le fil
Certains jours, je ne parviens pas à dérouler le fil de mes pensées décousues, à broder quelques lignes. Les mots restent noués, une pelote de mots emmêlés, juste à côté du champ lexical du vide...Waterloo morne plaine...un champ stérile, certes il ne produit rien mais a l'avantage de ne pas être infecté. Et voilà quand ils ressortent, c'est en vrac, ils ne se dévident pas par ordre alphabétique, par noms communs ou propres, tiens justement , les noms propres poussent dans les champs stériles forcément. Ils se bousculent au portillon, à la porte tambour de ma boîte crânienne. Il est impératif d'y mettre de l'ordre (bien que la phrase soit à l'indicatif) sous peine de chaos (je fais une parenthèse sur les parenthèses dont l'usage intempestif n'est pas recommandé en littérature, ça tombe bien j'en fais pas et les parenthèses j'aime ça. Elle sont un digression dans la continuité, une bulle d'air frais, un soupir. Elles sont la fleur au bord du chemin, la possibilité d'aller plus loin, ne les dit-on pas enchantées parfois?)
Revenons donc à nos brebis (parité oblige), sont-elles au champ elles aussi? Des brebis vient la laine et de la laine on fait des pelotes, ah le voilà le fil. Je vous tiens en haleine, isnt'it?
La petite voix
Elle revient la petite voix de derrière la tête, celle qui se cache là dans le creux de l'oreiller, qui vient parfois me réveiller. Elle me susurre des mots doux, des mots de rien du tout, des mots qui finissent en -isse, comme ces canisses en bambou, les amis dessous, le ciel à la verticale, le soleil ou les étoiles, les tables pleines, les enfants qui jouent.
Et la petite voix repart sur les plumes de Solange la mésange, pourquoi ne s'appellerait-elle pas Solange ?
Et puis la petite voix des mots des autres, des vers glanés au hasard des lectures, qui restent dans un coin, dont on ne sait plus ni le début, ni la fin, ni le nom de l'auteur. D'un clic magique je retrouve le poème, certain l'attribue à Fernando Pessoa.Peu m'importe, chapeau bas à son auteur quel qu'il soit.
De tout il restera trois choses :
La certitude que tout était en train
De commencer ;
La certitude qu’il fallait continuer,
La certitude que cela serait interrompu
Avant que d’être terminé.
Faire de l’interruption un nouveau chemin,
Faire de la chute un pas de danse,
Faire de la peur, un escalier,
Du rêve, un pont,
De la recherche…
Une rencontre
Poème de Fernando Sabino, poète brésilien extrait de "O encontro marcado" (Le rendez-vous convenu)
Je vais pouvoir aller dormir tranquille avec ma petite voix de derrière la tête, confortablement lovée dans le creux de l'oreiller
Lendemain
Le temps dégouline, mais l'heure finit par tourner aux montres molles de l'éternité. Et le jour remplace la nuit, et la nuit remplace le jour. Pourtant, il est en des plus lourdes, qui restent figées à la grande horloge.
Hier têtes blondes joyeuses, les mains ouvertes sur un avenir plein de possibles.
Aujourd'hui regards graves et humides et le futur en pointillé.
Un éclair, une déchirure dans les certitudes existentielles, plus tard devient incertain, demain n'aura plus jamais le goût de l'enfance, de cette indispensable saveur d'insouciance.
Le monde devient triste comme un dimanche de novembre.
Où trouver l'arc-en-ciel, où trouver la lumière ?
Des heures plus lourdes que d'autres, nos doutes et nos larmes, nos souvenirs et nos espoirs. Et nos mains, oui nos mains, nos lendemains et surtout les tiens...qu'ils chantent et t'enchantent...
Deux mains
Parfois le ciel nous tombe sur la tête, par temps clair, sans crier gare. La ronde folle des heures suspend sa course. Ne reste que l'horreur d'une réalité blafarde. L'après ne sera jamais plus comme l'avant. L'insouciance des sourires blonds et des doigts potelés laisse place à la gravité des regards. L'absurdité de notre condition nous engloutit, misérables amas de particules, nous agitant sans cesse autour de quelques chimères.
Nous sommes seuls face au vide, pourtant, regarde ma main, elle vient vers toi. Elle te caresse de sa paume sereine, elle te serre tendrement, elle te dit ce que les mots ne peuvent exprimer, elle voudrait te servir de guide et d'appui pour arpenter les chemins sinueux de l'avenir. Ce ne sera pas une promenade du dimanche au chaud soleil de garrigue ou à l'ombre des sous-bois. Il y aura les questions, la colère, l'incompréhension, la sidération. Il y aura les jours d'espoir et leur contraire. Il y aura les pleurs et les yeux humides étouffant les sanglots.
Ma main restera là, elle ne tremblera pas. Elle est cette petite surface de contact entre deux êtres, un infime morceau d'humanité. Elle est mouvement quand tout se fige autour, elle est geste pour essuyer les larmes, elle est signe pour aller plus loin.
Pas de destin, pas de sens qui précède l'existence, juste nos mains d'être humain tendues vers demain
Subjectivité
Mon nouvel objectif est de faire de la photo...le canard revient et bien sûr je me marre, puis il repart en jouant du pipeau.
Jean-Sol s'invite dans le cadre, la duchesse de Bovouard flâne en arrière-plan.
Dans un souffle d'inspiration, j'ouvre mon diaphragme. Un grand bol d'air et une tasse de thé noir. Plaisir fugace, puisque tout passe. Zoom avant sur les jours d'après.Temps de pose. Mise au point. Netteté.
Une photo monochrome, contraste, balance des blancs, grande profondeur de champ. Flou artistique sur les souvenirs, vue panoramique sur le présent. Point de fuite à l'horizon, vitesse d'obturation, sur-exposition. Du grain sur la photo, une averse dans le tableau, le canard s'est envolé, Jean-Sol et la duchesse en contre-plongée remontent la rivière en canoë. Il n'y a rien à comprendre, un vieux reflex que de jouer avec les mots...même derrière l'objectif d'un appareil photo...
Tout conte fait
Vite vite, un billet avant minuit, sinon je vais redevenir citrouille et faire fi de mes résolutions. Ensuite il faudra faire défiler tous les crapauds du canton pour trouver celui qui...ah mais non c'est pas cette histoire là, et je suis déjà en pyjama, j'ai enlevé mes pantoufles, me suis glissée dans un lit douillet sans petit pois pour y dormir cent ans, mais non pas tant. J'ai croqué la pomme rouge offerte par Adam ou par la sorcière d'un paradis artificiel, non, originel à moins que ce ne soit original.
Les mots se brouillent, ils deviennent flous, floués, floutés. J'en perds mon latin et sa montre à gousset.
Et j'ai fini par m'assoupir devant mon écran bleuté, faisant donc fi de mes résolutions puisque minuit avait sonné lorsque j'ai repris conscience. Je ne m'étais pas non plus transformée en citrouille, je ne dois finalement pas être une vraie princesse!
Est-ce ainsi....
Le silence lance, l'instrument ment et les canards s'ébrouent dans la mare. Heureux hasard que canard rime avec mare. Il ne rime pourtant pas avec sucre ou couac, encore moins avec bivouac, surtout en ces temps de liberté barbelée où sortir au-delà du périmètre autorisé sans être attesté est passible d'une contravention même pour les impassibles, les habitants des impasses paisibles.Et même armé de son laisser-passer, il n'est pas sûr de pouvoir rêvasser en paix sur les chemins de campagne, un chien et son maître mal dressé, un deux roues motorisé. Le silence se remplit de fureur et de bruit, le ciel se fait menaçant et les mots tôt ou tard rouleront vers leur destinée, comme des soleils révolus...parce que je marchais sur la route d'Aragon...
(le confinement ne me réussit pas plus que les documentaires animaliers)
L'oeil du tigre
Un tigre du Bengale avance à pas de loup guettant sa proie d'un oeil de lynx, une antilope nilgaut. La nigaude ne se méfie pas de ce prédateur, rusé comme un renard, malin comme un singe. Sa vision monochrome ne lui permet pas de détecter sa fourrure fauve à travers la végétation dense. Elle gambade, insouciante, crédule comme une oie blanche. Evidemment elle ne s'est pas encore faite dévorer, et ne pourra pas la fois prochaine se fier à son expérience puisqu'elle sera digérée. Un oiseau de mauvais augure traîne dans un ciel sans nuage, il plane sournoisement en quête d'une carcasse à picorer. Le félin ne compte cependant pas en laisser une miette, il a aussi en plus de son pas, une faim de loup, bien que le dernier boeuf ingéré lui soit resté sur la langue. Sa tigresse, jalouse comme il se doit, lui a fait jurer de ne rien révéler de leur nouvelle résolution.
Pendant ce temps, la nilgaute baye aux corneilles, se prélasse dans un rayon de soleil, joue dans les herbes folles. La vie lui semble simple et légère, elle n'est en proie à aucune inquiètude. Elle croise une grenouille coassante, qui bien entendu veut se faire aussi grosse que le bovidé sur la langue du tigre. Il est donc là, avec ses pas et sa faim de loup quand ses promesses lui reviennent en mémoire...devenir végétarien, pour un félin, quelle hérésie. Heureusement, un troupeau de steacks de tofu à poils ras passa par là, il n' y eût aucun survivant.
Le tigre tint ses engagements, l'oiseau de mauvais augure piaillant au complot s'en alla prêcher ses malédictions dans une autre contrée, et la gazelle nigault continua à n'être en proie qu'à la douceur de vivre.
(Ca ne me vaut rien de regarder des documentaires animaliers)
Odeur de sainteté
L'inconscient est surprenant, certes ce n'est pas la révélation du jour, mais le mien vient de m'étonner fortement. J'avais tendance à le snober un peu, lui attribuant une mauvaise foi Jean-Sol Partrienne, mais là je dois rendre à Sigmund ce qui lui appartient.
Pour Jean-Sol l'individu ne trouvera pas la résolution de ses angoisses dans le passé mais dans son avenir. C'est son projet qui redonnera sens à sa vie, quand Sigmund va remuer le liquide amniotique pour en retirer la substantifique moelle à prix d'or.
Moi: bon mais Jean-Sol qu'en est-il des rêves, des lapsus, des actes manqués ? Ah tu ne réponds pas! Tu fais le mort, tu me ghostes ?
Sigmund: tu vois bien qu'il n'est pas capable de te répondre, il n'a pas d'explication.
Moi: il a peut-être un problème de réseau.
Sigmund: si tu veux j'ai le 06 de Lacan.
Jean-Sol : je refuse d'être mêlé à ce charabia populiste, je sors.
Moi: (je savais qu'il était susceptible), Jean-Sol n'oublie pas ton attestation!
Sigmund : bon maintenant qu'on est tranquille tu peux me parler de ton inconscient mon enfant
Moi: hé bien mon père...heu non je suis pas au confessionnal et je ne veux pas non plus le numéro d'Oedipe. Ça m'en donne des mots de tête toute cette histoire.
Je vais aller me coucher et rêver que mon jardin foisonne de fleurs en odeur de sainteté