Articles de barbaraburgos
Elle
Elle dit
Elle dit quoi ?
Elle dit les mots sans langue de bois
Elle dit les gens sont trop ceci ou trop cela
Elle dit la vie est une succession de péripéties
Elle dit on ne peut compter que sur soi-même
Elle dit rien ne vaut la peine quoi qu'il en soit
Elle dit
Elle dit quoi ?
Elle dit les mots du dictionnaire
Elle dit avec trop de vocabulaire
Elle dit l'existence précède l'essence
Elle dit chacun est maître de sa conscience
Elle dit quelle importance au fond tout ça
Elle dit
Elle dit quoi ?
Elle dit des mots sans artifice
Elle dit si c'est trop peu on est déçu
Elle dit la vie ne permet pas la moindre esquisse
Elle dit ce qui est passé ne sera plus
Elle dit tout redeviendra poussière quoi qu'il en soit
Ventôse
C'était un jour de grand vent
C'était au printemps
C'était cette petite chose
Dans l'air du temps
Un grain de poussière dans l'œil
Un caillou dans la chaussure
C'était un jour comme un autre
C'était au mois d'avril
C'était une pluie cinglante
Une sorte de grésil
Froide et menaçante
L'imminence d'un péril
C'était un jour de grand vent
D'un printemps semblable à l'hiver
C'était avant avant-hier
Cet imperceptible grain de poussière
C'était un au-revoir
Sans l'ombre d'un espoir
Fossiles
Il y avait la mer
A la place de mon jardin
En des temps très anciens
Pour preuve des fossiles
De coquillage, d'escargot
Au milieu des coquelicots
Les hommes préhistoriques
Faisaient peut-être des mouclades
Et jetaient les coquilles dans la terre
En se disant qu'on les retrouverait
Dans plusieurs millénaires
Une blague aux historiens
Pour brouiller les pistes
Il n'y avait pas la mer
A la place du jardin
Seulement quelques plaisantins
Des temps très anciens
Mais qui a inventé le rire
L'homme préhistorique
Pensait-il à l'avenir ?
Yaourt
Un mammouth au mois d'août
En proie aux doutes
Part en vacances sous une yourte
Et il va où ?
Il prend la route
Jusqu'à Plymouth
Tout le dégoûte
Il est à bout
Dans son enfance il était scout
Jouait au foot
Faisait grand raout
Les temps étaient doux
A présent il redoute
La banqueroute, le burn-out
Mais coûte que coûte
Reste debout
En chemin il broute
Une herbe folle qui le maraboute
La mer l'envoûte
A contre-coup
Un mammouth au mois d'août
Après des vacances à Plymouth
Voit sa mélancolie dissoute
Il retrouve le goût
Sur le fil
Le froid d'avril recouvre la poésie de ses fils gris
Quand l'homme dort toujours dans sa voiture
Il ne dit rien, il ne se plaint pas, il n'est plus en colère
Il a appris à se taire
Il n'a pas eu à traverser la Méditerranée pour se faire refouler
Il a été mis au ban de la société, petit à petit
Un appartement, un véhicule en état de marche
Puis un jour la panne, l'accident
Il est si fragile ce fil d'avril
Nous passons avec nos vêtements propres, nos voitures à crédit, entretien compris
Nous mangeons à faire péter les boutons de nos pantalons estampillés "le Jean français"
Nous achetons nos légumes en circuit court, agriculture bio ou raisonnée
Nous nous sentons concernés par les problèmes de société
Sous le froid d'un printemps hivernal l'homme dort toujours dans sa voiture
Il est fragile ce fil d'avril dont il ne faut se départir
Il est fragile ce fil qui lie les divers êtres d'une même espèce
Certains tendent la main pour secourir les naufragés en train de se noyer
D'autres leur enfoncent la tête sous l'eau ou coulent le bateau
La plupart ne font rien, écrivent quelques mots
Chacun rentre chez soi, au volant de son auto
Et lui il reste là, s'accrochant à un fil
Un fil ténu d'avril
Qui lui n'en finit pas
De passer du chaud au froid
Bouture
Une fleur pimpante
Volubilis
Une fleur légère
Qui grimpe au ciel
Ou rampe à terre
Une ipomée
Fleur enfantine
Dans une Fabulette
Madame Capucine
Cherche son fils
Volubilis
Qui s'enfuit par les toits
Une fleur cachée
Dans un coin de ma memoire
Je retenais déjà les mots
Pour leur sonorité
Je voyageais
Une illustration sur la pochette
Une musique
Je partais très loin
A bord de mon tourne-disque
Une fleur pimpante
Volubilis
Qui se plante en mai
Parce qu'il lui plaît
Ortie culture ?
Les fleurs c'est inutile mais c'est joli
Un peu comme la poésie
J'écris des fleurs
Des pensées, des soucis
J'écris l'éphémère
Un arrêt sur image
Fleurs des champs
Fleurs sauvages
J'écris les pétales rouges
Du coquelicot
Incandescence du printemps
Notes subtiles sur le tableau
J'écris par petites touches
En pointillé
Sur la futilité
Ou l'importance de l'instant
La question demeure cependant
La poésie c'est inutile mais c'est joli
Un peu comme les fleurs aussi
Rosée
Je connais quelqu'un qui connait quelqu'un qui fait une thèse sur la rosée du matin
Pour faire une thèse mieux vaut choisir un thème qu'on aime bien
Et la rosée j'avoue que cela m'inspirerait
Si je devais écrire une thèse sur un sujet
Je le traiterai à travers le prisme de la poésie
Alors que ce quelqu'un fait des études de physique-chimie
Une gouttelette instillée par une fée au petit matin ?
Ou par un lutin qui du bout de son grelot, dépose toutes les nuits des perles d'eau
Pour qu'au matin les coccinelles viennent se laver et s'abreuver
Une coquette coccinelle
Sur un coquelicot
Se regardait dans le reflet
D'une perlette de rosée
Une coquecigrue
Puisque ton sur ton
C'était ardu
De distinguer
Qui de la fleur
Qui de la bébête
Elle en oublia
De se laver
De s'abreuver
Si bien
Que lorsqu'elle fut prête
Joli insecte
Bête à bon dieu
La rosée, elle
Était revenue
A l'état gazeux
Léon
Le petit du paon est un paonneau
Il court d'un pas incertain
A travers les allées du parc du château
Il est beau
Il n'a qu'un seul défaut, son prénom
Il s'appelle Brandon
Sa mère n'a pas voulu déroger
Si elle avait cédé
Il se serait appelé Roger
En hommage à son grand-père
Valeureux combattant du front de libération
Des paons élevés en volière
Ils ont depuis, acquis la liberté
De verdoyer dans les allées du parc du château
Ils aiment écouter les louanges des visiteurs
"Oh qu'ils sont beaux ces oiseaux"
Ce qu'ils ne comprennent pas
C'est pourquoi tout le monde les baptise Léon
Le comportement humain est curieux parfois
Le bipède crie "Léon, Léon" en simulant une démarche de gallinacé
Pour tenter de les approcher
Brandon accourt au moindre son
Mais il n'a pas encore toutes les plumes pour la parade
Et les gens disent "oh regarde la petite pintade"
Vexé comme un pou
Il tente de s'envoler et trébuche
Il part alors creuser un trou
Et faire l'autruche
Cette histoire n'a pas d'autre morale que de bien faire attention au prénom donné à son garçon
Si l'habit ne fait pas le moine, le prénom lui accompagne son propriétaire du premier à son dernier jour sur terre
Il était aussi question de la cousine Bernadette la pintadette et du cousin Bruno le dindonneau mais ils n'eurent pas l'heur d'apparaître dans l'historiette !
Des haies sans houx*
Les arbres poussent plus haut
Que la limite autorisée
Ils dépassent ils dépassent
Ils vont percer le ciel
Du bout de la branche la plus élevée
Peut-être crever les nuages
Alors l'eau se mettrait à dégringoler
Un déluge incontrôlable
Une fin du monde assurée
C'est pourquoi il faut tailler
Tout ce qui dépasse
La limite autorisée
Les plus hautes branches
Des arbres qui prennent leur liberté
Ceux qui taquinent les nuages
Sans vouloir les faire pleurer
Leur rêve, atteindre les étoiles
Ne plus avoir de limite imposée
Quelle drôle d'idée pour un arbre
De devenir une haie
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