2013

Dans 2013

Black swan

Par Le 08/09/2013

Aujourd'hui les mots me quittent, ils l'ont décidé faisant fi de mes envies. Ils n'ont plus rien à dire, ils sont vides de sens, vidés de leur essence aurait dit le moteur. Mais plus rien ne les amuse, ils ont fini de jouer, fini de rimailler. Un jardin motager en friche, voilà ce que je laisserai, parce que tout a une fin, les fleurs se fanent, de nouvelles repoussent au printemps prochain.
Les mots sont plus complexes, ils se vexent facilement, ils prennent la mouche ou l'éléphant, ce qui est beaucoup plus encombrant.
Ils veulent leur liberté, ne plus être cultivés, c'est ainsi. Expliquer le pourquoi du comment, reviendrait à déterminer qui de la poule ou de l'oeuf est arrivé le premier. Ou pourquoi Sisyphe continue aussi absurdement à pousser son rocher.
Il y a des claires fontaines et des sources d'eau salée, des terres rouges et une montagne belle à pleurer.
Il y a ce qui n'est plus, puis il y a ce qui sera. Composer avec son passé imparfait, profiter du présent et accueillir le futur. Et que Lamartine aille se jeter dans son lac, un seul être peut manquer, les rames du métro sont toujours bondées.
On peut faire dire ce qu'on veut aux mots, des remords, des regrets, des je vous aimais tant pourtant, trop, mal, pas comme il aurait fallu, mais toujours sincèrement, je n'ai jamais su faire semblant. Je vous aimais plus que ma vie, plus que moi-même, mais un jour le corps et l'âme n'en peuvent plus, le nénuphar s'étend si profondément qu'il ne reste plus une cellule saine, métastases invisibles et invincibles.
Le Black Swan n'est pas une volonté mais une malédiction ou un biais cognitif qui pointe les limites de l'induction logique: jusqu'à ce que l'on croise un cygne noir, on peut penser qu'ils sont tous blancs, dans le ballet de Tchaïkovski, le cygne noir représente la folie, le désespoir, la mort.
Il y a ceux qui sont puis qui ne seront plus, ceux qui se battent, ceux qui sont vaincus d'avance, mais tous finiront dans des dictionnaires obsolètes, de nouveaux mots apparaîtront, d'autres disparaîtront faute d'entretien.
Puis un jour, une météorite s'abattra sur ce petit caillou où la moitié de l'humanité s'entretue (par des mots ou des bombardements) et là plus besoin d'apprendre le pluriel des noms en -ou.
Un feu d'artifice de quelques instants et l'univers continuera ce qu'il a à faire ou à défaire, chapeau bas pour celui qui a fait ça, sauf que moi j'y crois pas et je périra (c'est ma conjugaison à moi) dans l'enfer des causes perdues.

 

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Noeuronoïdal

Par Le 19/08/2013

Le solénoïde a la particularité d'avoir un tréma sur le i, et naquit d'une rencontre improbable entre un soleil noir et un astéroïde. Après s'être percutés à plusieurs reprises par hasard, ils décidèrent de s'unir et de créer un exemplaire unique, témoin de leur amour. Les progrès en physique furent spectaculaire, mais l'obsolescence programmée dans ce domaine, eût raison de leur création. Il devint alors solonoïde et erre depuis de galaxie en galaxie, trimbalant son tréma comme une lourde croix. Parfois il s'installe quelques temps sur une planète de son choix et cultive des champs magnétiques, histoire de produire assez d'aimants pour maintenir la Terre dans son axe originel. Adam et Eve n'y sont pour rien, pourquoi le seraient-ils d'ailleurs, eux, ont pris une machine à remonter le temps et ont décidé de faire du cidre dans leur jardin d'Eden, ainsi Eve ne croqua jamais dans la pomme, et on n'en serait pas où on en est. La concordance des temps est de ce fait alléatoire, et Jésus aurait pu continuer à pêcher sur les bords du Nil, ou du Nihil, fleuve du non être et douter jusqu'à la fin de ses jours de son existence. Et tant pis pour les jours fériés et les belles cathédrales.

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Camuserie

Par Le 14/08/2013

Pourquoi faut-il imaginer Sisyphe heureux? J'attends toutes vos réponses, vos réactions, vos explications, je viens de faire une Chute, mes neurones sont en contradiction. Peut-être un des signes annonciateurs de la Peste cérébrale. Je ne serai pas le Premier Homme à me sentir Etranger, pas non plus le premier à me révolter, mais ce soir je ne comprends plus rien à l'absurde.
Pardon Albert, si tu me permets cette familiarité, et si tu pouvais de cet absurde au-delà me répondre, éclairer mes cellules grises en décomposition, je t'en serais reconnaissante au-delà de l'absurde.

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Silence

Par Le 07/08/2013

Un silence blanc, pur, intérieur, assourdissant et indispensable. Le dehors est une jungle remplie de prédateurs, pour ne pas être la proie, rester en soi. Dernier refuge, dernière bulle, celle de Chloé, Chloé bulle ou nénuphar, elles finissent par se confondre, bien que le créateur de la seconde n'ait rien à voir avec le piètre auteur de la première.
Parce qu'un jour, il faut bien se taire. Un cimetière de mots morts, restés sans suite. Où vont donc ces mots restés sans suite, ces bouts de phrases commencées puis restées en suspension, ces premières pages d'histoires inachevées ? Tous les non-dits, exilés sur l'île de l'oubli ?
Les mots finissent tôt ou tard par être vides de sens, sauf ceux des grands génies de la littérature, ceux des écrivailleurs du dimanche périront d'eux-mêmes de leur signification obsolète, réduits en cendres comme les restes d'une cigarette, des mogots écrasés dans le grand cendrier de l'absurde.

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Hommage

Par Le 05/08/2013

La plupart d'entre nous passe dans la vie sans faire de bruit, sans se plaindre d'un sort souvent malheureux, douloureux. Que reste-t-il de ce passage, parfois des enfants, des photos, des images.
Aujourd'hui un hommage à une grande âme, que celui qui est sensé exister là-haut n'aura pas épargné.

Elle aurait bien aimé les fleurs, mais n'aurait sûrement pas voulu tous ces pleurs, pourtant inévitables. Parce qu'elle ne voulait jamais déranger personne.
Parce qu'on ne dit pas assez à ceux qui nous entourent, l'importance qu'ils ont à nos yeux, qu'on les ait côtoyé toute une vie, ou à quelques moments précis.
Je ne la connaissais finalement que très peu, mais nous prenions plaisir à nous retrouver le samedi après-midi, chez Tata, ma grand-mère. Je ne l'ai jamais entendu se plaindre, elle avait toujours le sourire et un mot attentionné pour chacun. Mes enfants me demandaient toujours «elle sera là Monique ? », comme un repère, l'assurance de passer un bon moment en sa compagnie.
Nous partagions un morceau de gâteau, une tasse de thé, on parlait de la pluie, du beau temps, jamais du mal du voisin.
On percevait parfois une solitude pesante, aussitôt effacée d'un revers de la main, parce qu'il fallait bien poursuivre son chemin. Ce sentier des contrebandiers à travers les Pyrénées, qu'avaient emprunté ses parents, en espérant trouver richesse et liberté. Mais rien n'était jamais acquis d'avance, elle le savait et l'expérience le lui a bien rappelé.
J'ai été heureuse de l'inviter chez moi, avec ma grand-mère, pour leur montrer les travaux réalisés dans la maison. Elle avait apporté un paquet de madeleines, parce qu'elle savait que les enfants les aimaient. La madeleine est la symbolique du souvenir d'enfance chez Proust, elle restera pour nous désormais ce souvenir d'elle et la reconnaissance dans ses yeux de cette invitation.
De son enfance, elle évoquait souvent le premier vélo que lui avait offert son parrain (mon grand-père), et combien elle en était fière. Je l'imagine maintenant roulant sans souci sur les chemins de la liberté, et si je suis sûre d'une chose aujourd'hui, malgré mes doutes et mes croyances, c'est que pour elle, il existe un paradis, qu'elle y aura une place de choix, y que los abuelos seguro la cuidaran mucho .

 

 

 

 

 

 

                                                                                        

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Onirique apparition

Par Le 03/08/2013

Les évidences, les questions, mornes ignorances, les échos sourds, longue distance. Un vieux sage boudhiste, japonais, dans un tableau à l'encre de Chine, écrivit un haïku dans sa langue natale, que bien sûr, je ne compris jamais. Quelle signification donner à ce bout de papier, y avait-il une explication sur mon passé, mon présent, mon avenir. J'ai gardé ces lettres dessinées avec application, sans chercher à y trouver une réponse. Des signes indéfinissables, que je relisais dans un jardin japonais, sur un pont en bambous. Un cygne noir allait et venait sur cette mare artificielle. Un oiseau exotique, par erreur sans doute dans ce décor , attendait les vents propices pour repartir vers de lointaines contrées.
Dans cette flaque factice, le vieux sage m'est apparu, une boussole à la main, pas un mot, pas un geste, juste l'objet déposé à mes pieds. Retrouver ou perdre le nord, partir à l'ouest ou suivre le chemin de l'orient. Je ne le saurai jamais, l'oiseau exotique s'est emparé de l'objet, s'en est certainement servi pour revenir d'où il venait. J'en suis heureuse pour lui.
Le black swan a continué ses aller retours, puis d'un rocher a déboulé un vautour, d'un pré, une vache à lait. Et des entrailles de la terre, une éruption volcanique a recouvert de lave ce décor incertain. Tout est resté figé, je n'ai pas eu de réponse à la question posée.

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Questionnement

Par Le 26/07/2013

Parfois mes billets ont des points, parfois ils n'en ont pas. Ne me demandez pas pourquoi ou posez-moi la question.Mais est-ce bien utile de toutes façons?
Rien n'est plus absurde qu'une vie de fourmi, Sisyphes éternelles, fréquemment bombardées d'insecticide.Faut-il, comme Sisyphe, les imaginer heureuses? N'ayant pas un cerveau proportionnel à la complexité de la question, je doute qu'elles se la posent.
Quant à moi, l'ayant à peine plus développé, je m'abstiendrai d'une éventuelle réponse.J'aurais aimé savoir philosopher, mais que voulez-vous, à chacun son rocher, son accomplissement voué à un échec sans fin, chacun sa croix, lourde des cris de Jésus, chacun sa foi dit le canard à sa cane et cancane en ricanant, elle le gave tellement, il a hâte d'en finir, elle est la prochaine sur la liste. Il n'ira pas à ses funérailles, il a déjà tout prévu, la camarde ne surprendra pas le canard. Avec quelques camarades, ils s'envoleront à l'aube à la recherche d'un lac perdu, en mangeant des madeleines.

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Matinale pensée

Par Le 26/07/2013

La poésie, l'art brut, street art, danse, expression, émotions, créations, du dedans vers le dehors, exorciser le sort, dire, bouger, sentir le corps vibrer, l'esprit s'enflammer. Faire et se défaire des carapaces, casser la glace et les miroirs, se regarder face à face, jeter des tubes de peinture sur une toile, du néant tirer l'unique expression de soi, sans filtre, sans limite. Du rien donner un sens, des douleurs extraire l'essence, se nourrir du vide pour trouver la plénitude.
Un mot, un geste, une trace de peinture, derniers remparts avant l'abandon, dernières murailles avant la rupture entre soi et le monde, dernières suppositions entre l'être et ses questions.

"La vraie création ne prend pas souci d'être ou de ne pas être de l'art." Jean Dubuffet

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Drame

Par Le 25/07/2013

Je voulais faire un billet sur le train-train quotidien, mais ce n'eût pas été de bon goût aujourd'hui, vu qu'un train a déraillé faisant des morts et des bléssés, des qui partaient et ne sont jamais arrivés.
Le TGV est-il plus assassin que le train-train quotidien? C'est un drame, une atrocité, images chocs, tôles écrasées.
Personne ne prévoit la fin, chacun sait cependant qu'elle sera certaine, annoncée ou subite, douloureuse ou anesthésiée. Et tant qui meurent seuls, abandonnés comme des chiens.Pas de gros titres pour la misère invisible, ceux  qui meurent de l'intérieur, rongés par les tumeurs, voilà un mot qui ne trompe pas sur son issue. Tu meurs, dehors, dedans, dans ton lit, dans un train, dans la rue, étendu sur des coussins, une hache ou un stylo à la main. Mais nul ne sait quand, aujourd'hui ou demain?

Dans 2013

Tut tut

Par Le 24/07/2013

Deux cons klaxonnent, le premier n'avance pas, tut tut, fait le deuxième, tut tut répond le premier, tu le vois bien que je peux pas avancer. Tut tut tut redit le deuxième, tut tut tut tut, fait le premier, traduction, tu le vois pas Ducon que je peux pas passer. Tuuuuuuutttttttttttttttt, le deuxième s'excite sur son klaxon, ça lui fait passer le temps, lui prouve qu'il a raison, que s'il était en premier, lui il serait passé.
Le premier descend, excédé, il est en retard, son chat est mort, sa maison a brûlé, il est en retard sur son passé. Le deuxième était d'humeur plutôt gaie, un rendez-vous, une soirée, une jolie fille, voiture décapotée, bronzage u.v, gourmette au poignet.Il ne craint rien ni personne et il va lui rentrer dedans à ce nase à la voiture pourrie. Il pourrait contourner les plots, se faufiler entre les deux poteaux, prendre de l'élan et franchir cette tranchée, quel empoté.
Pendant qu'il réfléchissait à ces éventualités, l'autre s'est approché sans un bruit, sans un mot il lui a fait manger son klaxon, par la bouche, le nez et le front.Du sang sur le volant, le tuuuttt ne s'est plus arrêté.
Le feu est passé au vert, le premier est parti sans se retourner.

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Soldes

Par Le 23/07/2013

C'est encore les soldes m'avertit une publicité aussi stupide qu'encombrante. Alors une question s'est imposée à moi, dois-je suivre la mouvance et mettre mes mots au rabais. Moins 30% sur les mots laids, les soldes c'est toujours des trucs moches et pas très seyants mais sous prétexte d'affaires en or, on dépense notre argent. L'or étant plus cher que l'argent, c'est toujours le dindon, qui, quoi qu'il arrive se retrouve plumé, ou le pigeon, ça dépend s'il est farci ou non.
Le premier que je solderais c'est justement solde, moins 70% d'emblée pour solde de tout compte.
Le deuxième, espoir, qui je le rappelle n'est pas un verbe du 3ème groupe, mais un nom tout ce qu'il y a de plus commun, pas vraiment sincère, de faux espoirs, des espoirs déçus, trahis, perdus. La faux appelle la faucheuse, métaphorique ou mécanique. Le blé, la blondeur ou la vénalité.Moins 80% sur les souvenirs qui ne viennent jamais sous formes de pièces ou de billets. Il est rare de les payer cash, ils reviennent à crédit, réclamant intérêt, usufruit. Tiens celui je l'offre pour tout achat supérieur à deux mots, j'aime pas.
Celui sur lequel je ne ferai aucun réduction c'est le mot sommeil, qui m'emporte déjà

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Variation sur Chloé

Par Le 19/07/2013

Du chiendent s'implantait dans les synapses de Chloé, les crocs bien acérés, si bien que les connexions ne s'établissaient plus entre ses différents neurones, chacun choisissant à sa guise de profiter de ce repos imprévu ou de n'en faire qu'à sa tête. L'un pensait blanc, meringue, dragées, un autre voyait rouge, sang, coquelicot, peinture, tableau, tel autre n'était plus que noirceur, nuit sans étoile, jour sans soleil, yeux clos, néant. Aucun ne pouvait communiquer entre eux, le chiendent se répandait et l'espoir diminuait.
Ce n'était ni mieux ni pire que le nénuphar et les doublezons tout aussi inutiles. L'issue devait cependant en être la même.
Les murs rétréciraient et Colin n'aurait plus que ses yeux pour pleurer ou pour en faire ce qu'il voudrait puisque lui malgré tout serait vivant.

Dans 2013

Variation sur l'Etranger

Par Le 19/07/2013

Parce qu'un jour il n'y aura plus rien que vent et poussière, six pieds sous terre, à l'abri pour rimer
Parce que quand le jour d'avant ressemble au jour d'après et qu'il est pire encore
Parce que Meursault n'a pas pleuré maman
Parce que le soleil était d'acier et la lame brûlante
Parce qu'il était aussi absurde d'être là qu'ailleurs
Parce que si j'avais le prix Nobel de littérature je n'irai pas à Stockholm
Au moins une certitude évidente, la seule, à part bien sûr celle d'une fin inéluctable
Délectable, détectable, décelable
Meursault a-t-il haï son bourreau?

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Couvercle

Par Le 18/07/2013

Le couvercle sur la marmite en cuivre clapote, l'eau bout.Un fait sans importance, elle finit par s'échapper, s'évaporer, se transformer de son état initial en un néant de fumée.Puis plus rien, des goutelettes invisibles. La marmite continue à chauffer, le couvercle ne bouge plus, la chaleur devient intenable. Et la marmite commence à se calciner, du noir, de la fumée.Elle commence à dégouliner son cuivre, ce n'est plus qu'une flaque couleur rouille. Quand l'eau bouille, il faut se dépêcher avant que la marmite ne finisse en bouillie.Et quand le café a bouillu, il est foutu.

Baudelaire a fait meilleur usage du couvercle, mais si je m'appelais Charles ça se saurait

Dans 2013

Cliché

Par Le 08/07/2013

La chaleur écrase parce qu'on ne l'attendait plus. Le printemps gris et pluvieux fit le bonheur des marchands de parapluie, comme si les marchands de parapluie existaient encore. Il se vend à peu près n'importe quoi, n'importe où. Même la météo vend du soleil par anticipation, pour faire sortir les touristes de leur léthargie grisailleuse (je sais que Robert ne m'en tient pas rigueur). Et les voilà tous donc sur la route des vacances, voitures gavées jusqu'à la gueule, Mémé sur le coffre de toit parce qu'elle ne rentrait pas ailleurs, puis de toute façon, avec ce qu'elle s'enfile comme cachetons, verra pas la différence. C'est parti pour 800 km de bouchon, de plus dégourdis que les autres pour les contourner, 800km que les mêmes refont chaque année, en se jurant que la prochaine fois on ne les y reprendra plus, puis que quand même ça vaut le coup, coup de soleil se risquera au passage Francky, le coude sur la portière, oui parce que la clim dans les embouteillages ça fait trop consommer. Mémé somnole, elle a des trous d'aération et un ventilateur portable.
- " Non Kévin, on n'est pas encore arrivé, reste plus que 750 km et vive la liberté, compte les moutons
-Y'en a pas
-Compte les voitures dans les bouchons alors
-Puis moi j'ai pipi
-Oh non Loana, j'avais dit pipi avant de partir, puis on peut pas s'arrêter là, pense à autre chose
-A quoi?
-Je sais pas moi, aux poissons qui nagent dans la mer, au sable chaud et collant
-Maintenant j'ai caca
-Non mais c'est pas possible ces gosses, on bosse 11 mois dans l'année pour leur payer le mobil-home prestige au camping de Pas-Là-Vias La Flotte et peuvent même pas se retenir de pisser pendant 4h.
L'année prochaine c'est colo pour tout le monde, Mémé comprise, et moi je resterai peinard devant le tour de France à mater ces drogués qui gagnent en un mois ce que je gagnerai jamais dans toute ma vie.

Dans 2013

Pont de pierre

Par Le 07/07/2013

Nougaro sur les bords de la Garonne sifflote un air un peu parti, un peu naze, sorti d'une boîte de jazz, le blanc qui chante Toulouse, le noir qui chante I was born to loose. Les mots des autres, quand les siens ne suffisent plus, quand la ville rose s'enflamme sous les rayons d'un été tardif.
Quand la Garonne ronronne sous le pont de Pierre, un Rigal pour les sens à fleur de peau, pour les initiés seulement. Les néophytes emprunteront le Pont Neuf comme il se doit, pour se rendre rue du Pont Vieux, déguster un plateau de sushis coréens. Chacun regagnera ensuite son train, son avion, son vélo, son auto, pour un ailleurs incertain.
Des liens tissés comme des toiles d'araignée, balayés par un coup de balai. Des rencontres, des hasards, de l'art. Dernière barrière contre la folie, étincelle de vie. Les corps s'entortillent, s'émotionnent, se contorsionnent. De l'autre côté du décor, les peaux frissonnent, les yeux s'embuent, le coeur s'accélère, les lèvres dessinent un sourire muet et béat.
 

Dans 2013

Glace à l'eau

Par Le 30/06/2013

Un iceberg dans une mare, des vilains petits canards dans la fanfare. Fausses notes dans le tableau, fausses notes dans le tempo. L'honnêteté s'est enfuie au pôle nord, la vérité au fond du puits, et le courage vers Tahiti. Des vagues, des océans ont englouti les années perdues, assassinées à la force du mépris.
Un iceberg dans le désert, un soir d'hiver. Un serpent au venin mortel s'insinue dans les failles d'un sable gelé, le scorpion affûte son poison. Qu'elle que soit l'issue, au petit matin, le vainqueur et le vaincu seront noyés, emportés par la vague déferlante d'un iceberg chauffé à blanc par un soleil meurtrier.
Il ne restera qu'une minuscule flaque, bientôt évaporée ou absorbée par une plante carnivore.Des rapaces nécrophages se chargeront de la maigre pitence laissée par tant de haine. Peut-être avaleront-ils des couleuvres pour satisfaire leur appétit, puis vomiront-ils leur indigestion sur un rocher arrogant.

Dans 2013

Orientation

Par Le 13/06/2013

Des larmes de thé vert, une théière argentée, des verres sérigraphiés. Vapeur, fumée, de la menthe poivrée. S'orienter vers l'orientalité, du rien, du thé, une boussole. Aller vers l'est pour retrouver le nord, contre sens, autoroute dans le désert, enlisement.
Se noyer dans un verre d'eau parce que la mer n'est pas à boire, que l'amer est imbuvable.
Dans l'oasis charnue, poussent des fleurs charnelles et coule l'eau limpide d'une source profonde. Demain, hier, les minutes, les secondes, les animaux à bosses, le sable doux et chaud, le bleu berbère éclaire une nuit sans étoiles. Les mots s'étiolent dans la fraîcheur du désert, le silence serpente, le scorpion affûte son venin. Et puis plus rien.

Dans 2013

Tout ou rien

Par Le 06/06/2013

Le rien est le contraire du tout ou inversement. Quatre lettres, deux consonnes, une au début, l'autre à la fin, au milieu deux voyelles. Fonctionnent avec être ou avoir, affirmation et négation. Avoir tout, n'être rien, n'avoir rien, être tout.
Le rien est aussi vague que le tout, le tout tout aussi inqualifiable que le rien. Ils peuvent cependant signifier la même chose, rien ne m'intéresse, tout m'ennuie. Ne pas confondre j'ai tout fait avec le verbe étouffer, le verbe nérienfer n'existe pas, pas de confusion de ce côté là.
Quand il n'y a plus rien, peut-on tout espérer?

Dans 2013

Flic floc

Par Le 30/05/2013

De la pluie comme s'il en pleuvait, les gouttes s'écrasent et dégoulinent sur les vitres alanguies de gris.
Les gouttes s'égouttent des parapluies à pois, ornés parfois de fausse dentelle.
Les flaques flic-flaquent puis se transforment en boue. Le chemin s'inonde et les toits ruissellent.
Point de pluie sans escargots heureux, du moins ceux qui ne seront pas cueillis pour finir sur le gril ou en sauce catalane.
La bergère a rentré ses blancs moutons, et ron et ron petit patapon. Il pleuvra demain aussi, et sous un coin de parapluie ce sera peut-être pour quelqu'un ou quelqu'une un petit coin de paradis, parlez moi de la pluie et non pas du beau temps bougonne tonton Georges dans sa moustache.
L'herbe verte et le printemps fuit clopin-clopant une blonde avec filtre, Tristan et Iseut forcément.

Dans 2013

Carpe diem

Par Le 15/04/2013

Comme prévu, le mois de mars n'a pas passé l'hiver et nous voici déjà mi-avril avec ce fil dont il ne faut pas se découvrir. Ne pas le perdre non plus, au fil de l'eau file le temps comme un pédalo absurde, une carpe affamée happe les souvenirs surannés, les autres poissons ne parlent que je sache,alors pourquoi dit-on muet comme une carpe. Carpe diem, forcément, après il n'est plus temps.Cela veut peut-être dire une carpe chaque jour au dîner. Mes mots sont fatigués d'être sans cesse détournés, ils sont démotivés.
Une carpe nage dans la rivière, un fil lesté de plomb, au bout un hameçon. La carpe n'a pas faim, les souvenirs sont indigestes, mais quel est donc cet insecte qui la nargue sans cesse? Une mouette pas muette, pas non plus de Neuilly (cf plan du métro parisien) donne des coups de bec dans l'eau, aussi inutile que des coups d'épée dans le dos, clapotis, clapoto. La carpe craque, avale le moucheron, le fil et l'hameçon et le gentil garçon venu en pédalo faire des ronds dans l'eau. Il aurait dû rester où il était et ne pas se croire plus malin qu'un poisson muet.

Dans 2013

Ni fait ni à faire

Par Le 03/04/2013

Dans le reflet de mes chimères, j'ai vu briller un soleil noir, un bouquet de fleurs démodées, fanées par l'air d'avoir trop fait semblant, des moucherons par millier avalés par un fourmilier, et la clémence des jours de printemps, la déchéance du temps. Obsolètes les amours décrêpies, ces bouts de murs écaillés qui finissent par tomber. De la dentelle de Pont-Aven, du beurre plein les galettes, du blé plein les poches, l'homme aux semelles devant, parce qu'on n'est pas sérieux quand on a 17 ans.
Dans le reflet de mes chimères, un miroir sans tain, visage terne, yeux cernés par les années, ce qui est à faire n'est pas fait.

Dans 2013

Sans queue ni tête

Par Le 27/03/2013

LIBERTE lettres rouges sur un mur noir, Street art, Banksy se déchaîne, lettres en capitale, Paris 14 juillet 1789, prise de la Bastille, prise de la prison.
Déclaration des droits de l'homme, la femme reste dans ses retranchements. Marie-Antoinette, la tête tranchée, sur le billot, étal du boucher, une tête de veau, persil dans le nez, un pied-de-nez, jambe de bois, claudication intermittente.
Un grain de sable dans le rouage de la démocratie, Camille Desmoulins tourne en rond poussé par le vent des Vendéens, les Chouans, les Sans-Culotte, la Terreur, fourches à la main, donnez leur de la brioche.
Le buste de Danton vacille, Robespierre perd la tête.
Abolition des privilèges. Space Invanders envahit les murs noirs de Paris.
LIBERTE, un état, une notion, place de la Nation, boulevard Voltaire, siècle des Lumières, puis la nuit noire comme du poison, annihilation, nuit de cauchemar, le corps engourdi, l'esprit paralysé, tétraplégie de l'âme, un appel au secours sans écho, le chaos.

Dans 2013

Cauchemar

Par Le 11/03/2013

J'ai rencontré au détour d'un nightmare 
Le plus pervers de tous les animaux de la terre
D'apparence humaine, il erre de mer en mer
De mare en mare, de gare en gare
Ou sort de nulle part une nuit de cauchemar
Il cache sous sa peau une carapace de pierre
Son coeur ne s'émeut pas du doux chant des sirènes
Ses veines ne véhiculent ni sang ni oxygène
Ne soyez pas crédules, il ne connaît pas la peine
Ses os trempés d'acier vous paraîtront légers
Ne vous y trompez pas, ils pourraient vous briser
Dans ses grands yeux de verre
Prenez garde de ne pas vous noyer
Et si un sourire se dessinent sur ses lèvres
Courez vite, il vient vous dévorer!

Dans 2013

No man's landes

Par Le 11/03/2013

Les pins pleurent des larmes de résine
Demain, bougies
Et douleurs assassines
L'océan fuit
Sous une nuit sans lune
Pas de rayon vert
Dans cet halo amer
Et le soleil galette
Crie sa défaite
Jusques en haut des dunes
A l'heure ou l'eau et l'air
Se confondent dans la brume
Les pins pleurent
Des larmes assassines
Les bougies meurent
Et les lueurs déclinent

Dans 2013

Vélocipède

Par Le 11/02/2013

Une minute nécessaire (c'est à discuter) en hommage à Monsieur Desproges.
Je me rendis cet après-midi, chez mon dealer agréé et largement taxé par l'état, faire "provision de fumigènes", quand j'entrevis sur son comptoir de petits coupons aux couleurs vives, promettant, pour la modique somme de 2 euros et un grattage spécial, un gain 10 000 fois supérieur. Les dits billets étaient à l'effigie des signes du zodiaque. Mon paquet de cigarettes à la main et l'image d'un poumon en stade terminal de la maladie, me fit  forcément choisir le Cancer, qui soit dit en pensant est aussi le signe sous lequel je suis née. Avec toutes ces chances de mon côté, je ne pouvais que gagner, vous vous en doutez.
J'attendis cependant de rentrer chez moi, histoire aussi de faire durer le suspens. Je pris une pièce au hasard dans mon porte-monnaie, je n'avais aucune affection particulière pour elle, et décidai de m'en remettre au destin.
Je lus consciencieusement les consignes et commençai à gratter délicatement. 2 crabes équivalaient à 10 000 euros, 2 qualités identiques à 10 000 euros de plus. C'est qu'il faut savoir compter et intégrer toute la subtilité du jeu, ne devient pas 20 000 euronnaire qui veut!
Et je ne le devins pas, sinon j'aurais déjà pris un billet pour partir sous les cocotiers, je vous le donne en 1000 ou 20 000 sous le tropique du Cancer. Ceci dit, j'aime pas la mer et les cocotiers mélangés, c'est beaucoup trop cliché. D'ailleurs en parlant d'ailleurs et de clichés comme le disait si bien Monsieur Cyclopède en zigzaguant sur son vélo " Noël au scanner, Pâques au cimetière" avant de rajouter "quant au mois de mars, je crois qu'il ne passera pas l'hiver".