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Héron héron petit patapon

barbaraburgos Par Le 24/05/2021 0

Dans Mai 2021

Monsieur le Héron aux yeux ronds a pris un nid en banlieue, à vol d'oiseau c'est beaucoup plus rapide qu'en métro. Du haut de son grand peuplier il regarde la rivière asséchée. Un modeste trou d'eau lui offre un maigre petit-déjeuner. Crapauds et grenouilles ont dû migrer, un passeur malhonnête aura-t-il pu les conduire en un lieu sécurisé ?
Monsieur Héron est solitaire. Madame Héronne l'a quitté par un matin d'été, elle a suivi une grue cendrée sur un coup de tête.
Ils avaient un beau nid en bord de fleuve, de petits hérons charmants, du poisson à profusion, un ciel tranquille, des nuits étoilées et la perspective d'une nouvelle couvée. Puis ce matin d'été.
Monsieur Héron ne supportait plus de rentrer dans son foyer vide, le poisson le dégoutait, il errait sans fin dans les airs, se laissant porter par les vents.
Alors ce nid de banlieue, parce qu'il faut bien se poser quelque part quand les ailes deviennent lourdes.
Ce matin, il a faim, mais rien à becqueter dans le coin, sa piaule est remplie de coton de peuplier, il n'a pas envie de faire le ménage. Soudain, il rêve de grand large. Il profite d'un courant propice et se jette à ailes perdues dans le souffle du cers. Sans but précis, il se dit qu'il est temps pour lui de voir du pays.
Il fait le tour du monde d'ouest en est, du sud au nord. Ses yeux ronds de héron s'émerveillent de toutes les beautés de la terre. Mais un jour convoqué par son notaire, il est contraint de rentrer. Son peuplier est menacé d'élagage. Il ne se bat pas, il le regarde tomber, il n'a plus aucun regret.
Il revient à chaque printemps faire le tour du propriétaire pour se rappeler qu'au fond, qu'on soit homme, crapaud, héron, on ne sera que locataire d'un petit lopin de terre.
J'aime bien le retrouver tous les ans au mois de mai. Ensemble on philosophe, il me parle de ses voyages, je lui déclame quelques strophes. Tout ça finit en barbecue de grenouilles potelées, on rigole, on boit des coups, on regarde la Lune briller. Un soir avec trois verres de trop dans le bec, allongé sur le gazon,  il me raconte ce qu'il vit comme un échec depuis qu'il est oisillon,  il a honte de son prénom, il s'appelle Jean-Raymond

 
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