Elle serre des mains dans les soirées mondaines
En souriant d’un rien, écoute des balivernes
Petits fours japonais, danses afro-cubaines
Mais à la nuit tombée le regard se fait terne
Il a les meilleures places dans les cafés branchés
La table du patron, le fauteuil en terrasse
Portable dernier cri pour rester connecté
Pourtant une seule cuillère dans une seule tasse
Une démarche nonchalante savamment étudiée
Etre dans la mouvance demande assiduité
Un jean estampillé, des baskets à Virgule
Un détail négligé, on frise le ridicule
Elle décide de sa vie au gré de ses envies
Elle a des tas d’amis, dit-elle
Aimerait bien quand même certain jour à minuit
Faire rimer « je t’aime » avec Joyeux Noël
Il remue son expresso
Lunettes noires pour ne pas passer incognito
Le soleil s’est couché, il est déjà trop tard
Adolescent à 50 ans, n’est-ce pas un peu ringard ?
Elle a vraiment très peur de devenir has been
Séances d’UV et d’aquagym, puis un petit lifting
Pâte à remodeler, les seins beaucoup plus haut
Il n’existe cependant pas de greffe de cerveau
Ils se rencontreront un soir, au coin d’un bar
Il lui racontera sa vie d’artiste
Il a fait du théâtre
Fréquente quelques stars
Mais n’en parle à personne
Il n’avouerait jamais qu’il vend des téléphones
Ils se donneront l’illusion d’être deux
Sans jamais tomber amoureux
Une question d’esthétique
Les larmes creusent des sillons
A l’heure des adieux
Sur les joues délaissées, des traces asymétriques