Ma vie à cloche-pied

barbaraburgos Par Le 04/12/2025 0

Le premier décembre était un jour parfait pour reprendre la culture de mon motager, écrire des poèmes à clochepied, des poèmes boiteux à présent, puisqu'un bout d'os à décidé de s'arracher de sa malléole mère et de mener une vie automne, reduisant par là même la mienne (de vie autonome).
C'était sans compter sur la déliquescence de la pendule, ces heures qui filent promptement sans que l'on ne comprenne où elles ont disparu.
Je n'irai pas à la recherche du temps perdu, la démarche a déjà été exploitée avec talent (bien que je ne sois jamais parvenue à m'en rendre compte par moi-même, un jour peut-être).Je voudrais juste ne plus perdre une miette du temps qui reste. 
Longtemps je ne me suis pas couchée de bonne heure, longtemps j'ai été insomniaque, je le suis encore un peu parfois. Longtemps j'ai gaspillé mon temps en choses vaines.
J'observe Mémé, elle se met en veille. Elle ne veut pas avouer qu'elle dort, que la vie se retire peu à peu. Elle s'intéresse encore aux rayons du soleil qui viennent la réchauffer à travers la vitre, à la huppe sondant la terre de son bec acéré, au programme télé qu'elle ne regardera pas parce qu'elle ira se coucher. Mémé se met en veille, ses mouvements se font lents, ses paroles rares, ses envies discrètes. Elle n'a plus très faim, elle n'oublie pas mais elle ne sait plus très bien. C'est que le début de sa vie est loin. Les souvenirs deviennent flous. Elle n'a pas de photo de son enfance. En l'interrogeant, elle se rappelle d'un épisode où à trois ans elle est tombée dans un ruisseau. Elle me cite le nom italien de ses voisins de l'époque. Puis elle se tait. Elle se met en veille, économie d'énergie. Un jour les batteries cessent de se recharger.
J'ai des souvenirs de Joséphine me promenant dans une grande poussette bleu marine. Joséphine c'était la mère de mémé. Deux siècles et un millénaire nous séparent de sa date de naissance ! J'ai grandi sous les regards doux et bienveillants de ces deux polonaises au grand coeur. 

Je me souviens des brisures de marrons glacés, bien meilleurs que des brisures d'os. Il advient que les pieds se cassent et offrent un temps de répit. Réapprivoiser la lenteur, s'attarder sur une mésange venue picorer dans la mangeoire suspendue à l'olivier, siroter un thé aux fleurs de cerisier. Perfect days. Tant de livres à lire, tant de mots à apprendre, une vie à cloche-pied est finalement plutôt agréable
C'est un billet sans pied ni tête. 

 
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