Articles de barbaraburgos
Point virgule
J'ai décidé à l'unanimité avec mes mois, sans trop d'émoi de ne plus mettre de point final à mes billets. Pourquoi ? Pourquoi pas ? Une fantaisie symbolique. La plupart du temps, ils ne sont pas finis, ils pourraient être un commencement, s'inscrire dans un continuum ad libitum. Le point final est radical, l'idée initiale parfois radicule bien que souvent ridicule. Pourtant des points il en faut ! Oui mais point trop.
Quand l'idée a germé, pourquoi ne pas la laisser s'épanouir, grandir, lui offrir la possibilité d'atteindre des sommets ? Mettre un point d'orgue, arriver au paroxysme de sa pensée.
Rien ne dure, tout recommence. Du mythe de l'éternel retour à celui de Sisyphe, apparaît l'absurdité de la condition humaine. Ainsi demain, j'écrirai un autre billet, aussi insignifiant que les précédents. Je l'écrirai quand même pour inventer un sens, encore un mot aux multiples définitions, de la signification à la direction. Un axe pour trouver une vaine explication à la marche du monde. Pourquoi tout plutôt que rien ? Pourquoi un point ou point ? Pourquoi une propension agaçante à la rime dans ma prose ? Par quelle opération le phénix renaît-il de ses cendres. Bois lourd, cendre légère (non je ne suis pas devenue sage chaman indien). Le feu ne renaît pas forcément au matin.
Heureusement, Dieu gît dans les détails
Joyeuse Anne e.versaire
Il est arrivé ce jour qu'on n'aurait su imaginer dans notre folle jeunesse, cette dizaine censée annoncer un tournant. Mais tu habites à la bonne adresse, une longue avenue, la vue est dégagée et le ciel est clément.
De ces années adolescentes, nous avons su en apaiser les tourments. Il est quand même des avantages à devenir grand !
Apprécier la lumière de l'instant, la senteur du "Blue moon" parce que c'est rafraîchissant, savoir que "provisoirement ça veut dire pas tout le temps", mais que d'autres choses durent longtemps, que Chloé ne rime pas avec nénuphar, qu'il est toujours un phare éclairé au milieu des nuits les plus noires, que "tomorrow is another day", que malgré les tempêtes et les ciels enflammés Tara résistera et que Scarlett O'Hara...
Le nombre peut résonner comme une grosse caisse, un roulement de tambour, il sonne lourd dans l'inconscient collectif. Pourtant ce n'est pas un récif où le bateau pourrait s'échouer, c'est au contraire la promesse d'une suite de voyage sans ambages.
Les printemps passés, les écueils des saisons antérieures n'auront pu effacer ton sourire enchanteur, ton humeur badine, ton regard pétillant et malicieux sur le monde et les gens.
Continue à nager, petit poisson dans les eaux sereines des courants qui te sont chers, de l'Aude à la Seine, des cascades enjouées aux rivières souterraines, des rivages océaniques aux côtes méditerranéennes. Et pour t'évader, tu vas parfois promener tes pensées sur les rivages de la mer de la Tranquillité, je le sais je t'y ai croisée...
Les cinquante balais ne te serviront qu'à déblayer ces quelques feuilles mortes qui s'immiscent subrepticement sous les portes, et les éventuelles traces sur ton joli minois dans le miroir ne seront qu'illusoires, "l'essentiel est invisible pour les yeux..." et nous c'est sûr nous ne serons jamais vieux ! (ni mâles non plus mais fallait que ça rime un peu!)
Pour célébrer cette sortie de quarantaine (illusoire elle aussi à cause d'un virus, un minus surexcité), un petit billet comme un poème... rêve, vis, aime...
A très vite, je te rejoins bientôt , je suis déjà sur l'embarcadère, en route pour cette autre moitié séculaire !
A vol d'oiseau
C'était plutôt clair pour une couleur sombre, une sorte de halo dans la pénombre ?
Mais alors que je m'apprêtais à divaguer sur les nuances de l'ombre, je tombai (sans déplorer la moindre plaie) sur un mot guilleret, inconnu à mon vocabulaire: guillemot, sans guillemet vous vous en doutez. Nom vernaculaire, me renseigna Robert, oiseau palmipède voisin du pingouin.
C'est bien, il n'est pas tout seul, s'il a faim, il peut aller crier "j'ai faim" chez le pingouin son voisin, porte de gauche sur son palier. Là arrivent les guillemets à point nommé. Le pingouin est un fin gourmet prêt à pallier par de succulents mets l'appétit de son voisin.
Ils vont ensuite danser tout l'été la polka du côté de l'Alaska.
Ne me départant pas cependant de ma première idée, j'étudiai plus en détail la couleur de ses plumes, et j'appris que son dos et ses ailes étaient d'un brun foncé, donc un noir clair. Je savais bien que je trouverais un point commun entre les deux histoires. Toujours en quête d'un savoir universel (non je n'ai pas peur des mots), je découvris que Maupassant, Guy de son prénom, avait écrit une nouvelle intitulée "La roche aux guillemots". Pourquoi donc n'ai-je pas connu plus tôt ce nom d'oiseau ? (J'en ai pourtant rencontrés de toutes sortes).
Et de me plonger dans la Vie tourmentée de ce pauvre Maupassant. L'avais-je su, l'avais-je oublié ? C'était le pote à Flaubert. Il ne se remit jamais de sa mort et écrivit, deux points, ouvrez les guillemets : "Je sens en ce moment d'une façon aiguë l'inutilité de vivre, la stérilité de tout effort, la hideuse monotonie des évènements et des choses et cet isolement moral dans lequel nous vivons tous, mais dont je souffrais moins quand je pouvais causer avec lui."
C'est noir sans aucun espoir de clarté, point d'oxymoron dans l'énoncé, juste matière à se faire du mouron. N'étant pas aujourd'hui d'une joyeuse humeur morbide, je laisserai reposer en paix ces braves Guy et Gustave, et irai plutôt faire une balade avec une tendre amie, puisque désormais Emma Bovarit.
Chloé anaphore
Que devient Chloé* en ces temps pseudo confinés ? Je l'ai un peu perdue de vue ces dernières années. Parvient-elle à garder sa légèreté dans cette liberté barbelée ? Comment s'arrange-t-elle d'un quotidien restreint ?
Chloé tous les jours
Malgré les années
Vit un grand amour
Réel ou rêvé
Sur sa balançoire
Ecrit des histoires
Pour le raconter
Chloé pétale de rose
En poésie en prose
Chloé perle de rosée
Aux premières clartés
Se gorge de l'instant
Edulcore son ignorance
Et chante dans le vent
Un soupçon d'insouciance
Chloé frivole
Revient dans la danse
Une époque folle
Le monde a changé
Il s'est barbelé
Drôles d'incidences
Chloé en silence
Contourne les barrières
S'envole dans les airs
Un oiseau sans cage
Chloé n'est pas sage
* Chloé antérieure dans la rubrique Chloeserie
Anamnèse
Je me confonds dilemme et indemne dans le positionnement du M et du N, lequel en prend deux , lequel ne prend qu'un M suivi d'un N. J'ignore par ailleurs la pronominalité et la transitivité, me perds parfois en translation dans les lignes du dictionnaire. Faut-il alors se taire ou se terrer , jouer de son altérité ?
Un dilemme avec deux M, un thème à aborder avec son alter ego ? Un drôle deux mots, que Robert définit (accord sylleptique) outre "un autre moi" par "bras droit". Je suis très satisafaite du mien, je n'en veux pas un autre. Mon moi est parfois défaillant mais depuis le temps que nous nous fréquentons, j'ai appris à faire avec ce qu'il était et sans ce qu'il n'est pas. A l'automne de nos vies, nos histoires sont-elles condamnées à l'oubli, à l'amnésie ?
Il n'est pas toujours facile de sortir indemne d'une relation à deux, pourtant qu'y a-t-il de plus savoureux que la caresse d'un regard amoureux ? Il y aurait bien ce verre de vin mais quel intérêt s'il ne trinque pas avec le tien.
Mon billet va sentir le réchauffé, le M et le N j'en ai déjà parlé et minuit a sonné alors que je m'étais mollement laissée aller dans les bras de Morphée, une somnolence entre deux insomnies. J'en suis ressortie indemne, et là pas de dilemme, je vais me coucher !
Gaubergine
Se goberger signifie-t-il se gaver d'aubergines sur canapé ? Une gabegie d'aubergines ? Mais ce n'est pas la saison. Il faut se contenter de carotter quelques carottes sur le marché. Les temps sont durs pour les rêveurs et la période tellement propice à l'absurdité, pourquoi ne pas se goberger d'aubergines, au lieu de poireauter bettement* en espérant des jours meilleurs. Au risque de faire chou blanc en racontant des salades, je préfère me fendre la poire avec des significations illusoires. Même si ce que j'écris compte pour des prunes, mon coeur d'artichaut ne se lasse pas de s'émouvoir d'un bon mot. Un soupçon de piment pour relever le plat, lui donner du relief, oublier ses griefs et dans une rime entrevoir une madeleine. Un cratère de purée garni d'un jus léger, dix centimètres de dénivelé. Je voudrais bien emprunter l'autre courbe du temps et revenir dans ce jardin d'antan, un espace protégé où j'étais traitée aux petits oignons, un cocon, quand j'étais haute comme trois pommes. Puis j'ai poussé comme un champignon, suis devenue asperge avant de finir princesse avec un petit pois sous son matelas. Maintenant que les carottes sont cuites, je me retrouve courgette dans une tambouille de mots, une ratatouille lexicale. Je suis mi-figue, mi-raisin, je peine à différencier le bien du mal. Ce que je sais c'est qu'à minuit, Cendrillon ne se transforme pas en potiron, son carrosse si, j'ai découvert le pot aux roses récemment.
Avant de manger les pissenlits par les racines, je veux croquer les pommes à pleines dents sans y tomber dedans.
Et tant que mon pois chiche s'agitera frénétiquement dans son bocal, je me gobergerai d'aubergines, écrirai des lignes bancales et détournerai les mots en attendant la fin des haricots
Mauvais oeil
Ne croire en rien, c'est déjà croire en quelque chose. Croire que rien n'est déterminé, que tout est à inventer.
Un chat noir passe sous une échelle, une salière renversée sur un pain retourné, une table de treize convives face à un miroir brisé. Laissez-moi toucher du bois pour me protéger de tous ces sortilèges.
Pourquoi une entité supérieure s'intéresserait à nos pauvres carcasses de mammifères ? Pourquoi un sombre félin et quelques grains de sel feraient notre malheur alors qu'un trèfle à quatre feuilles ou un fer à cheval nous redonneraient chance et félicité?
Et si tout était écrit où seraient consignées nos destinées ? Dans un netflix universel, une plateforme de séries VOD en illimité.
Les dieux sont devenus addict aux écrans, ils s'adonnent au binge-watching sans complexe, négligeant même les saints textes. Leur dernière folie, une super production originale, la propagation d'un virus international. Ils s'en donnent à coeur joie, se tapent sur les cuisses en contemplant le zbeul qu'ils ont créé.
Quant à moi, à force de blasphémer, je finirai sur le bûcher, à me consumer comme un bâton d'encens. Telle est sûrement ma destinée
No comment
Je ne parlerai pas de l'homme à tête de chou, non je n'en parlerai pas du tout. Je préfère laisser reposer sa mémoire et l'aube de mes vingt ans dans leur espace-temps.
Je cherchais cependant un idée pour mon billet quotidien , quand sur mon trajet un panneau lumineux m'indiqua le saint du jour : Charles le Bon. En voilà un sujet !
Le soleil brillait au zénith, j'écoutais de Prévert sa chanson et je pensais à ce pauvre garçon prénommé Charles le Bon.
Était-il un célèbre aquoiboniste, un black tromboniste dans une cave germanopratine, un accordeur d'accordéon ?
Il portait au cœur le poinçon d'un bonheur qui défonce à cent à l'heure, une fuite en avant, tant pis pour les aiguilleurs et les états proches du coma, de l'Ohio ou d'ailleurs.
Hé oui Charles le Bon, c'est con ces conséquences, ces petits papiers forcés de brûler pour réchauffer les soirs d'errance. Déshérence des amours, des feintes, quand une dépression s'annonce au-dessus du jardin, la nostalgie te revient comme un boomerang et tes larmes n'y pourront rien changer. De variations en aéroplanes, tu contemples ces zéros pointés vers l'infini, ces petits riens mis bout à bout , ces bad news from the stars en recrachant des volutes de cigare, que l'on prend que l'on jette comme la mer rejette, tu le sais Charles le Bon, les goémons.
Perdue dans mes pensées, je m'interrogeais sur la destinée de ce bon Charles. Je l'imaginais beau vu de l'extérieur, un petit pull marine dessus, un chic type en dessous. Mais je cherchais en vain la porte exacte, le mot exit pour me sortir de ce cloaque, cette gadoue de mots que je ne comprenais plus du tout. Je m'étais égarée en chemin et me réveillai finalement sur canapé, Babe alone at home en somme, je ne reconnaissais plus rien ni personne. Mieux valait en rire de peur d'être obligée d'en pleurer.
Et bien évidemment j'allais signer ce billet initials BB
Enfant de coeur
Il faisait bleu un peu plus loin aujourd'hui
Ici vent marin en furie
Il faisait pluie sûrement ailleurs
Regard humide dans le rétroviseur
Il faisait triste au milieu du jardin
Lourds silences enfantins
Il faisait brume sur le rivage
Les yeux par delà les nuages
Il faisait vide dans ta vie
Giron incertain, faim inassouvie
Il faisait seul pour l'aiguillage
Une traversée et ses naufrages
Il faisait foudre vers le large
Dissonance d'accords, décalage
Il faisait éclair et rage
Des ailes pour tout bagage
Il faisait ciel un peu plus loin
Un souffle de vent marin
Il faisait espoir aujourd'hui
Apaisement des chairs meurtries
Il ferait bleu demain
Au-delà des silences du jardin
Il ferait bleu enfin
Une main puis deux mains
Trois quatorze
Quoi de neuf dans ce huis-clos à deux ?
Rien qui ne casse trois pattes à un canard
Ce sont des gens modérés, jamais un mot de trop
Ils tournent sept fois leur langue dans leur bouche avant de parler
Ignorent les sept péchés capitaux
Peut-être ont-ils fait les quatre cents coups dans leurs jeunes années
Mais il ne reste rien de leur folie
Comptables moroses dans un bureau
Des semaines de trente-cinq heures
En guise d'espoir une grille de loto
Mêmes numéros jamais vainqueurs
Leur histoire n'est pas un conte des mille et une nuits
Pourtant ils restent unis comme les cinq doigts de la main
Et le resteront jusqu'à la fin
Avant de s'allonger six pieds sous terre
Dans le même carré au cimetière