Articles de barbaraburgos
Tique tac
Ce serait sympathique
De se faire piquer par une tique
Ou peut-être par un moustique
En faisant de la balançoire
Sous un portique un soir
Le tic-tac de la pendule
Annoncerait le crépuscule
Elles peuvent paraître ridicules
Ces petites bêtes
Ces insectes
Ces êtres vivants minuscules
Pourtant dans l'espace d'un instant
Par le poison qu'elles inoculent
Elles peuvent faire basculer la vie
Du pauvre rêveur alangui
Du flâneur de la prairie
Tic-tac la pendule sonne le glas
Ce n'était qu'une petite tique
Une piqûre de moustique
Somme nous peu de chose ici-bas
CQFD
Une addition d'addictions donne une somme bizarre, un produit étrange si c'est une multiplication.
Souvent au carré car une addiction tourne rarement rond, sinon c'est un cercle vicieux. Le nombre Pi, s'il n'est pas le meilleur, saurait-il en tirer partie? Je doute que cela soit son rayon. Peut-être aurait-il un avis diamétralement opposé et voudrait en faire une équation. Le x resterait le facteur inconnu, sans distribution de courrier pour trouver la solution, donc une inadéquation.
Se soustraire à une addiction est un problème difficile à résoudre, malgré les théories, les théorèmes, les hypothèses obtuses comme le carré de l’hypoténuse.
Quel que soit l'angle par lequel on aborde la question, c'est un casse-tête chinois, un emboîtement de poupées russes, une auberge espagnole où chacun aurait concocté un plat à sa sauce ou en 3 dimensions. Ça ne fonctionne pas non plus, il n'y a que 2 D dans addiction.
Le poser en fraction serait aussi absurde que compter les gouttes d'un robinet qui fuit, dans ce cas on appelle un plombier et on répare le robinet. Pas si simple finalement, allez donc trouver un plombier honnête. Bref, une addiction par définition ne fait pas dans la demi-mesure, on n'est pas 1/3 ou ½ dépendant, la substance même de l'addiction (quelle que soit la substance) est d'être entière, totale, parfois invisible, toujours indivisible.
Post diluvien
Une page d'écriture, des ratures. Quand les mots écrits s'effacent plus vite que ne fond la glace sous des ciels azuréens, que le temps quoiqu'il advienne, temps qui passe ou météo, emporte sur son passage et le chêne et le roseau, et la jeune fille et le coquelicot. Comme Ophélia dans la vague, la méduse et son radeau, qu'importe d'être né chêne ou roseau, jeune fille ou coquelicot. L'eau, l'air, le feu emporteront avec eux les promesses d'éternité et les robes en dentelle, les pétales rouge sang et les tourments adolescents.
Les heures s'égrénent en minutes, les minutes en secondes, ding dong dans le clocher inondé, le coq girouette ne sait plus vers quel vent se tourner. Les saints et Dieu lui même ont déserté le navire, Noé s'est noyé. Il n'y a plus rien.
Alphonse
Alphonse a fait deux grands voyages dans sa vie.Le premier, contraint et forcé à l'époque où les loups avaient envahi Paris, destination Cherbourg. Il y pleuvait des bombes.
Cherbourg c'était l'épopée racontée à tous les repas de famille. Elle faisait sourire les plus jeunes, frisonner les anciens. Son frère Joseph l'avait accompagné dans cet abominable voyage. Il en sont revenus, à pied, traversant une France dévastée. Retour à la Pomme, dans le giron familial, où il aura travaillé laborieusement toute sa vie.
Une vie qui a repris ses droits après la guerre. Jeanine a fait son entrée dans cette famille de ritals au grand cœur. Des gens de peu, des braves gens pourrait-on dire, si ce n'était presque devenu une insulte. Une famille unie, soudée face à l'adversité. Des valeurs d'un autre temps où justement les gens savaient la valeur des choses. Travailler jusqu'à en avoir le dos cassé, la peau tannée, les mains caleuses. Il savait que tous les soirs il retrouverait un foyer chaleureux. Celui de Sylvia, la mamma, qui malgré le peu de moyen a toujours veillé à ce que ses enfants ne manquent de rien. Des vêtements propres, une assiette remplie et la joie d'être ensemble.
Jeanine a pris le relais. Solange puis David ont illuminé sa vie. Une vie rythmée par les saisons et le travail de la vigne. La chasse, les champignons, le jardin, les parties de cartes avec les amis et toujours les retrouvailles en famille autour d'une table en fête ou des omelettes à la Font de l'Orme.
Depuis Cherbourg, Alphonse n'était pas reparti. Dans les années 80 eut lieu le deuxième voyage: retour aux sources dans le village natal, Fossalta di Piave, avec toute la smala, cela va de soi.Convoi exceptionnel de Villegailhenc aux portes de Venise.
Ils avaient quitté l'Italie dans les années 30 pensant trouver la terre promise, mais ailleurs n'est pas mieux qu'ici. Ils ont su s'adapter, courbant le dos souvent, sans jamais renoncer. Leur union faisait leur force.
La vie a fait ce qu'elle avait à faire et à défaire.
Paul et Constance auront été ses derniers rayons de soleil. Les enfants, vous avez la chance d'avoir connu cet arrière grand-père courageux, cet homme aux valeurs simples et sincères, gardez les précieusement en héritage, les plus grandes richesses ne se transmettent pas chez le notaire. Vous avez connu l'homme qui est allé à Cherbourg.
Aujourd'hui, il part pour un plus long voyage, nous t'accompagnons Alphonse, tu n'es pas seul et les autres t'attendent là-haut, Sylvia, Angel et Nora. Je suis sûre que Joseph et Marcel ont déjà repéré une volée de perdreaux. Dis à Joseph qu'ici, malgré les tempêtes son figuier a tenu le coup. Vous avez su vous enraciner dans cette terre adoptive, pars en paix, nous prenons le relais.
Telle est la question
Pourquoi écrire? Pourquoi peindre, dessiner? Pourquoi courir, pourquoi gravir des sommets?
Pourquoi boire son café tous les matins? Pourquoi aller acheter son pain?
Pourquoi des plans sur la comète, pourquoi les comètes? Pourquoi des fourmis et des mouches dans la maison, il y a tant d'espace dehors? L'herbe est plus verte ailleurs quand le gris s'immisce dans les interstices.
Pourquoi des pavés dans la mare et des canards dans la chanson? Pourquoi des points d'interrogation?
Pourquoi se souvenir, pourquoi espérer? Pourquoi sourire, pourquoi pleurer? Pourquoi rester immobile, pourquoi bouger?
Pourquoi se taire, pourquoi crier? Pourquoi aujourd'hui, pourquoi demain?
Vinaigrette
J'ai réparé mon vinaigrier, mis de l'huile sur mon clavier, j'ai salé mes propos, pimenté mes idéaux, la moutarde m'est montéee au nez mais la mayonnaise n'a pas pris. La source des mots est-elle tarie? Que nenni. Il suffit de dégourdir les doigts, exercer le poignet, décrasser le cervelet, le nettoyer de ses impuretés et retourner puiser les lettres à la source d'origine. Est-ce un sourcier sorcier qui a créé les mots? D'où viennent-ils? Qui a parlé le premier?
Mr Cro-Magnon est parti à la chasse, Mme cueille des B, ils se retrouvent le soir autour d'un feu de joie, à supposer que le feu ait été inventé, ils regardent la Lune en grognant. Une émotion les saisit, un frisson dans l'air du soir. Des loups hurlent dans le lointain, un troupeau de mammouths soulève la poussière. L'homme pointe son index vers le ciel, remue ses lèvres, un son informe sort de sa gorge, la femme l'imite. Ce n'est pas très beau à voir. Leur visage se déforment et les bruits de leur bouche n'en finissent pas de les surprendre. Ils essaient de répondre aux loups, ouh ouh puis au chat qui passait par là. Miaou, ouh, miaou, ouh, une cacophonie dans la nature immaculée. L'homme et la femme mus par leur trouvaille se mettent à danser autour du feu, ils rient, ils sont heureux mais ne le savent pas. Au bout de la nuit, éreintés, la femme s'allonge, lève son bras, pousse un soupir de contentement "moon". Le soir venu, lorsque la Lune apparaît à nouveau, l'homme reproduit le même son, les loups, le chat reprennent à l'unisson.
C'est ainsi que naquît le premier mot de la civilisation. c'était déjà de l'anglais et bien sûr c'est une femme qui l'a prononcé.
Extralucide
De Kourou à Baïkonour
J'ai fait le tour
Plus rien à espèrer
De ce vieux rocher
Ne reste qu'à s'envoler
Flotter sans peur en apesanteur
J'ai la vision extralucide
De cette particule dans le vide
Un coup de pied dans le ballon
Séisme 10 sur l'échelle de Richter
Sans conséquence pour l'univers
Comme je le dis dans ma chanson
Ce vieux rocher
Ne tourne pas rond
J'ai la vision extralucide
De cette particule dans le vide
Départ de Cap Canavéral
A la recherche d'un idéal
Une combinaison sidérale
L'habit ne fait pas le curé ou le moine si vous voulez
Mais pour le trouver son idéal faut s'élever
Au-dessus des préjugés
J'ai la vision extralucide
De cette particule dans le vide
Le compte à rebours a commencé
Impossible de l'arrêter
Je scrute la nuit, étrange toile
Décollage imminent direction les étoiles
En bas le bleu profond de l'océan
Les souvenirs, la vie d'avant
J'ai la vision extralucide
De cette particule dans le vide
La galaxie en expansion
A éclaté, bulle de savon
J'avais bien calculé mon coup
Plus la moindre particule de caillou
J'ai eu la vision extralucide
Que tout ça finirait dans le vide
Errance
Un chemin de mots égrénés sous le vent, chapelet de jours, de lumière et de nuits. Au loin l'espoir d'un rocher, d'un caillou, un cri "terre" avant le naufrage, avant le désenchantement. Quête obstinée d'oxygène, croyance d'acier en un ailleurs dépourvu d'humanité.
L'air saturé assèche les gorges, il faut courir vers plus tard, haïr les ciels de pleine Lune et les soleils ardents. Courir, se terrer et se taire. Traîner ses pieds dans la poussière, tomber, se relever, ramper, bouffer du sable, avaler des couleuvres, les digérer, recommencer. Les oasis s'effacent et la peau se craquèle. Fissures. Préférer la nuit noire emplie de fantômes, de démons du passé. Aujourd'hui n'est plus qu'un pâle instinct de survie. Derrière soi, des certitudes, devant, des possibles. Entre les deux, des déserts peuplés de doutes, une mer houleuse, des regards hostiles. La douleur se manifeste à chaque pas, chaque inspiration. Il n'y a plus de caillou dans la chaussure, il n'y a plus de chaussures. Il n'y a plus que le bruit intérieur de la souffrance. Il n'y a finalement plus que le silence.
Le champ du cygne
La fée sombre et son grand canard déambulent sur leur lac noir. Il fait froid, un froid de canard forcément. Leurs os fragiles se cassent peu à peu comme du verre. Le froid n'a jamais cassé de patte à un canard, mais soit. Quoiqu'il en soit, ce n'est pas canard, c'est un cygne au long cou gracile. La fée est une luciole inversée. Pauvres hères perdus, dévolus à une fin certaine. Un loup sorti d'un bois hurle à la mort, aboyeur public spécialiste des décors sordides. Il n'est même plus carnivore, il se nourrit de phytoplancton, par désespoir et conviction. Sa louve est partie vers l'est , ses louveteaux sont devenus scouts, de mâle alpha, il se retrouve gros bêta. Alors il aboie quand les circonstances s'y prêtent. Après avoir vengé sa peine sur une jolie biche effarouchée, il a juré de faire pénitence. Comme le phytoplancton se fait rare en cette saison, il est devenu expert en permaculture. Il hésite entre cette alternative et se laisser mourir de faim. Mais qui hurlerait à la mort?
La fée sombre et le canard boiteux vivent leurs dernières heures. Il se traînent sur le lac gelé, ils n'ont même pas eu l'idée de se mettre à l'abri dans la forêt. Le vent se déchaîne, il adore ça en pareilles circonstances. Un hérisson traverse, nonchalemment, comme pour ajouter du piquant puis va réveillonner avec son hérissonne. D'ailleurs minuit sonne, beaucoup plus loin parce que là il n'y a pas de clocher. Le froid, le vent et deux malheureux au milieu d'un lac noir
Sans verbe et sans A
Un cygne noir, une nuit, seul . Une étendue de givre, une lune voilée, des conifères, du vent. L'espoir six pieds sous terre.Pleurs gelés. Personne, juste son reflet déformé. Derrière un bosquet, une petite fée sombre du nord, un sourire, une discussion:
- "Solitude". Pirouette
- "Cygne noir." Révérence
- Intriguée. Tes congénères?
- Plus loin sur l'hémisphère. Moi,quelques plumes gelées, le bec rempli de désespoir, un poids trop lourd pour leur envolée
- Triste histoire.
- Et toi, Solitude, une définition de toi-même?
- Oui, depuis mon éclosion, un choix, peut-être une exclusion provoquée. Mes soeurs blondes, toutes en légèreté, moi, sombre brûlée sous les lumières.
- Heureuse ou son opposé?
- Plus de question pour moi sur ce sujet, une vie, point.Un jour, puis un jour puis un jour, puis un toujours. Point
- Une rencontre en contrée des mots non interdits ? Un sourire
- Un glissement sur le sol gelé. Une subtile pirouette.
Le cygne noir et une petite fée sombre du nord, une rencontre inédite, tourbillons et pirouettes, glissements et révérences, de jour en jour, et puis toujours.